lundi 29 juillet 2013

Un premier pas dans la bonne direction.

Notre stratégie de « lobbying citoyen » vient de porter ses premiers fruits : le 12 juillet, le député Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) a déposé la proposition de loi n° 1248 visant à inscrire le référendum d’initiative citoyenne dans l’article 3 de la Constitution.

Nous les avions tous sollicités par courriel. 577 adresses électroniques à collecter une par une, un travail long et fastidieux, il fallait vraiment le vouloir, mais nous le voulions vraiment. Puis l’envoi d’un même mail à tous. Certains ont répondu, d’autres nous ont ignorés. Peu de réponses positives, et même pour ceux de nos élus qui se disaient favorables au référendum d’initiative populaire, le passage des paroles aux actes semblait problématique.

Il fallait en remettre une couche, et se tenir à l’affût de tout événement qui pouvait servir notre cause. C’est ainsi que fin janvier, je suis tombé sur un article du blog de Nicolas Dupont-Aignan, où il félicitait David Cameron de sa décision d’organiser dans son pays un référendum sur l’Europe. Il y écrivait notamment "Nous devons saisir l'opportunité pour exiger un référendum dans tous les pays d'Europe d'ici 2017. Un référendum (...) pour dénoncer les traités et construire une Europe des Nations et des projets."
J’ai aussitôt saisi mon clavier (le 26 janvier) pour expliquer au député souverainiste que si nous disposions du référendum d’initiative citoyenne, les Français pourraient eux-mêmes provoquer des référendums sur des questions de leur choix, sans dépendre du bon vouloir d’un exécutif UMP ou PS qui sont européistes l’un et l’autre. (Et quand nous nous adressions à des députés de gauche, nous mettions en avant la possibilité de trancher, par référendum, des questions telles que la réforme des retraites ou l’Accord National Interprofessionnel, si défavorable aux salariés.)

Sa réponse (du 30 janvier) m’a singulièrement irrité :

« Cher Monsieur,
Même si en l’occurrence, la stratégie de David Cameron n’est inspirée que d’intentions politiciennes, je pense en effet que son initiative vient à point nommé rappeler à nos gouvernants qu’ils tiennent leur légitimité du peuple et qu’ils doivent le consulter sur les grands enjeux politiques ou sociétaux.
Encore, faudrait-il que, bien sûr, ils respectent le verdict des urnes ! le référendum du 29 mai 2005 sur le projet de constitution européenne est l’exemple-type de la trahison du peuple ; malgré les 59 % de suffrages [un peu moins de 55 % en réalité] qui se sont portés sur le non, le traité de Lisbonne a été adopté 3 ans plus tard par le Parlement…
C’est la raison pour laquelle, comme vous le savez, je milite fermement pour l’organisation d’un référendum sur l’euro (j’avais lancé une pétition à ce sujet, voici quelques mois) et me réjouirais que, grâce à David Cameron, la citadelle Bruxelloise soit enfin ébranlée. Concernant le référendum d’initiative citoyenne, je vous rappelle qu’il n’est pas applicable tant que les gouvernements successifs diffèrent (délibérément) la publication des décrets d’application du texte.
Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. »

J’avais le désagréable sentiment que lui aussi se moquait de moi : oser appeler « référendum d’initiative citoyenne » cette lamentable réforme de l’article 11 voulue par Nicolas Sarkozy en 2008, c’était prendre les gens pour des ignares, de vrais analphabètes constitutionnels, car il suffisait de lire le texte pour comprendre que l’initiative n’appartenait pas au peuple mais à 20 % des membres du Parlement, et qu’il suffisait que le parlement examine la proposition de loi (sans même la voter !) pour que le recours au référendum soit définitivement écarté (alors que la procédure exigeait le soutien de 10 % des électeurs inscrits, soit environ 4,6 millions de signatures) !

J’ai donc poussé mon « coup de gueule » sur Facebook, ce qui a fait réagir André-Jacques Holbecq (proche de NDA et auteur notamment de « La dette publique, une affaire rentable » et du « manifeste pour que l’argent serve au lieu d’asservir »). André-Jacques m’a proposé de lui réécrire pour dissiper ce qu’il considérait comme un « malentendu », et a lui-même repris contact avec le député pour appuyer mes arguments.

C’est ainsi que j’ai obtenu le 5 février la mise au point suivante :
« Pour faire suite à notre échange du 30 janvier, je vous confirme être favorable à l’introduction du référendum d’initiative populaire dans notre constitution, en particulier dès lors qu’il s’agit d’adopter des traités qui portent atteinte à la souveraineté de notre pays.
Ce serait le seul moyen de contourner l’hostilité de nos gouvernants - de droite, comme de gauche - à utiliser l’article 11 de la Constitution, voulu par le Général de Gaulle, pour associer le peuple aux grandes décisions qui concernent son avenir. Ce serait aussi et surtout le moyen de soustraire le pouvoir aux technocrates. 
Veuillez agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. »

Mais c’est Yvan Bachaud, infatigable promoteur du référendum d’initiative citoyenne depuis plus de 20 ans, qui a enfoncé le clou, en prenant contact avec chaque député, chaque responsable de parti ayant (ou ayant eu) le RIC à son programme, et avec chaque président de groupe parlementaire, et demandant très précisément à chacun de faire ce qui est en son pouvoir pour réaliser cette promesse, c’est-à-dire déposer une proposition de loi en ce sens. Nicolas Dupont-Aignan fut donc le premier à passer de la parole aux actes.

Il est vrai que le texte de sa proposition de loi ne donne pas entièrement satisfaction, mais il a deux qualités qu’il faut souligner :
1)      Il instaurerait (s’il était voté) un référendum d’initiative EXCLUSIVEMENT citoyenne, sans aucune intervention du Parlement.
2)      Il est à la bonne place, à l’article 3 de la Constitution (« De la souveraineté ») et non à l’article 11 (« Du président de la République ») comme la réforme bancale de juillet 2008 (et dont le Parlement est actuellement – 5 ans après ! – en train de voter la loi organique censée permettre son application…). Inscrit à cet emplacement, le RIC peut porter sur tous les domaines, alors qu’à l’article 11, son champ d’application est restreint.

Cependant, il comporte aussi des points faibles :
1)      Par précaution, on aurait pu préciser « … en toutes matières, y compris constitutionnelle et de ratification des traités » pour lever toute ambiguïté (et éviter que la loi organique ne puisse exclure ces domaines-clés !). Cela va sans dire, mais ça va encore mieux en le disant.
2)      Il précise un seuil de signatures très élevé : 10 % des inscrits (4,6 millions d’électeurs), c’est plus qu’il n’en faut pour les « I.C.E. » (Initiatives Citoyennes Européennes, 1 million de signatures mais qui ne débouchent pas – il est vrai – sur un référendum décisionnel) ou pour les référendums suisses (1 à 2 % des inscrits). De plus, ce seuil faisant partie des modalités d’application du RIC, il aurait pu être fixé par la loi organique. Dans l’article 3, il vaut mieux s’en tenir au seul principe du RIC.
3)      Il maintient la possibilité pour le président de la République d’être à l’initiative du référendum. Cela se comprend aisément en référence à l’héritage gaullien, (un héritage qui remonte en fait jusqu’aux plébiscites du Second Empire) mais apparaît aujourd’hui comme totalement anachronique : à l’époque où De Gaulle l’a institué, en 1958, l’autorité du Président était encore fragile et il pouvait être confronté à un Parlement hostile (De Gaulle dénonçait d'ailleurs le « système des partis »…) d’où l’utilité de pouvoir faire appel au peuple par-dessus le Parlement. Or depuis 1962, le Président est élu au suffrage universel direct, ce qui accroît sa légitimité, et avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral décidés en 2000 (les législatives ayant lieu après les présidentielles), il est assuré d’avoir une majorité à l’Assemblée. Il dispose donc de tous les instruments pour gouverner, et n’a plus besoin du référendum ! De plus, maintenir ce droit présidentiel entretien la confusion entre les référendums-plébiscites (à l’initiative du Président) et ceux qui sont à l’initiative des citoyens : on prête ainsi le flanc à la critique des adversaires de la démocratie directe, clamant que lorsque le peuple est consulté par référendum, il répond davantage à celui qui pose la question qu’à la question elle-même. En Suisse, modèle du genre, la Constitution interdit à l’exécutif de recourir au référendum.
4)      Le principal défaut de la proposition de loi n°1248 de Nicolas Dupont-Aignan est qu’elle émane de Nicolas Dupont-Aignan, c’est-à-dire d’un député qui est le seul représentant de son parti, qui ne dispose pas d’un groupe parlementaire et qui n’a donc pas la possibilité de mettre sa proposition à l’ordre du jour de l’Assemblée. Elle est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, et son parcours dépendra de la mobilisation des citoyens qui se fera (ou pas…) autour de ce projet de référendum d’initiative citoyenne souhaité par une écrasante majorité de Français (82 à 88 % selon plusieurs études) mais qui devront – eux aussi – passer des paroles aux actes.

Nous avons donc gagné une bataille, mais nous n’avons pas encore gagné la guerre ! Cette proposition de loi constitue indubitablement un premier pas dans la bonne direction, mais il faudra en faire d’autres si nous voulons parvenir au but et faire vraiment de notre peuple le  souverain comme le prévoit l’article 3 de notre Constitution… 


P.S. L’association Article 3 dont le site sera bientôt en ligne à cette adresse : www.article3.fr préconise la réécriture de l’article 3 de la Constitution de 1958 en ces termes : (modifications en majuscules et entre crochets)

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum [D’INITIATIVE CITOYENNE, EN TOUTES MATIÈRES, Y COMPRIS CONSTITUTIONNELLE ET DE RATIFICATION DES TRAITES. CET ARTICLE NE PEUT ÊTRE MODIFIE QUE PAR VOIE RÉFÉRENDAIRE]. »

Sa mise en œuvre nécessitera un toilettage de quelques autres articles de la Constitution pour prendre en compte la modification de l’article 3, et notamment la suppression de l’article 11. Les modalités d’application du référendum d’initiative citoyenne devront être précisées dans une loi organique.


mercredi 27 mars 2013

La démocratie, c'est maintenant !

Dans la marche séculaire des peuples – et du nôtre en particulier – vers la démocratie, d'une crise à l'autre, des paliers successifs ont été surmontés.

Au 18ème siècle, les convulsions révolutionnaires nous ont conduit aux droits de l'homme et du citoyen. Au 19ème siècle, la crise économique qui a débouché sur le printemps des peuples de 1848 nous a amené le suffrage universel. Puis au 20ème, la lutte des « suffragettes » a abouti après la Première Guerre mondiale à l'égalité politique entre les hommes et les femmes qui accédaient enfin au droit de vote.

Mais il nous reste une dernière Bastille à prendre, un dernier privilège à abolir : le monopole des élus sur la production de la loi. L'étude du Cevipof publiée en janvier 2013 révèle un niveau de défiance record envers la classe politique : 85 % des Français pensent que leurs dirigeants ne tiennent aucun compte de leur avis. Le référendum d'initiative citoyenne y mettra un terme, réalisant enfin ce qui était déjà contenu en germe dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « la loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à sa formation » (art. 6).

Cependant, ce pas décisif vers une démocratie accomplie ne sera jamais franchi sans l'implication d'un grand nombre de citoyens, bien organisés et d'une détermination sans faille. Il nous faut parachever la démocratie, ce qui répondra à l'urgence de la situation économique et sociale actuelle, mais constitue aussi un devoir envers les générations futures et le plus précieux héritage que nous puissions leur transmettre.